One night in Belledonne

Mon collègue Christophe et moi avons déjà bivouaqué plusieurs fois dans le passé. C’est toujours une chouette expérience. Se retrouver en contact étroit avec la nature remet beaucoup de choses en question. Les sens se mettent en éveil à un niveau complètement différent. On perçoit l’environnement de façon plus intense. La montagne n’est plus seulement un décor ou le but d’une sortie mais un lieu de vie. Quand la nuit tombe, tu te retrouves isolé, entouré de bruits inhabituels. Si tu as froid tu ne peux compter que sur le contenu de ton sac et sur toi-même ! Une chouette expérience !

Dans le cadre de notre TMB training, un bivouac n’est pas utile. Nous avons réservé des refuges pour chaque étape. Mais ça peut être une bonne occasion de voir que nous avons le bon matériel dans des conditions un peu moins confortables que celles d’une sortie à la journée par grand beau temps. La décision est prise, ce week-end nous irons planter nos tentes au pied de la Grande Valloire dans le massif des Belledonne.

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Objectif : le Lac Blanc

Back to France

Samedi, je passe donc la frontière en début d’après-midi pour me rendre chez Christophe. Nous listons plusieurs fois tout ce que nous devons emporter afin d’être sûrs de ne rien oublier. L’eau en grosse quantité, les tentes, le couchage, la nourriture, de quoi faire chauffer… Mon sac avoisine les 15 kilos. Enfin prêts, nous partons chercher JP. Son sac paraît encore plus gros que les nôtres. Il emmène un kilo de coquillettes et une quantité de compotes qui suffirait à nourrir une petite colonie de vacances. Allevard nous voici.

En chemin nous faisons tout de même une petite halte dans un magasin de sport afin d’alourdir encore nos sacs et nous rassurer sur le matériel superflu que nous portons ! Des pastilles de décontamination complètent la dotation commune. Je me contente d’un poncho étanche. Des nuages voilent le ciel du côté des Belledonne et je préfère m’assurer une protection correcte contre la pluie.

Le petit chemin

Nous arrivons enfin dans la vallée du Haut Breda où se trouve le parking qui sera notre point de départ. En cette fin d’après-midi, beaucoup de randonneurs s’en vont. Certains nous regardent sortir nos sacs énormes sous ce ciel menaçant d’un air surpris. Sûrs de nous, nous faisons quelques pas. Une randonneuse nous interpelle pour nous demander notre destination. Elle sourit à notre réponse et nous indique la direction opposée ! Peut-être est-il temps de jeter un œil sur la carte… Elle a raison, c’est bien cette route forestière qu’il faut prendre.

Chassant la honte, nous attaquons la montée. Rapidement, la route se transforme en sentier et s’enfonce dans le sous bois. Tout aussi rapidement, la pente s’accentue. Je sens bien le poids du sac. Heureusement il est surdimensionné pour le TMB et donc confortable même très chargé. Il n’empêche, j’ai accroché ma tente deux places dessus et je la sens qui oscille à chaque pas. Nous montons toujours et gagnons rapidement du dénivelé ce sous bois particulièrement raide.

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Pause !

Nous débouchons des arbres pour un court répit. Le sentier semble s’assagir et nous en profitons pour faire une pause. JP me déleste de la tente avant que je puisse protester. Mes épaules vont être soulagées, ma conscience beaucoup moins, mais je le remercie encore de ce geste car il nous restait vraiment un bon bout de chemin. Nous passons ainsi le premier chalet de la Grande Valloire accompagnés d’un soleil timide. L’objectif de bivouac est le Lac Blanc. Le chemin reprend son ascension droit dans la pente pour nous y conduire.

Heureusement la corniche annonciatrice de l’arrivée proche est en vue. Le ciel s’est nettement couvert mais nous gardons espoir de monter les tentes au sec. Nous arrivons un peu au dessus du Lac Blanc qui mérite bien son nom. L’alchimie locale lui fait prendre un bleu-vert laiteux. Je n’ai pas trouvé d’explication sur le net. Si jamais, je suis preneur !

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Apéro au Lac Blanc

Un dimanche au bord de l’eau

Comme si nous avions notre temps, nous nous posons sur les rochers pour prendre un petit encas. Quelques gouttes nous rappellent la réalité du temps. Nous commençons l’installation du bivouac sous un petit crachin plutôt froid ! J’ai monté ma tente la semaine précédente, je m’en sors bien. Christophe disparaît dans la sienne. Dubitatifs, JP et moi pensons qu’il a décidé de faire une sieste. Il réapparaît une dizaine de minutes après en nous avouant ne pas trouver la tête du réchaud… Nous regardons le kilo de coquillettes en nous disant qu’il aurait été vraiment agréable de s’en faire une grosse assiette chaude… Nous nous rabattons sur le jambon cru et le Gruyère ainsi que sur les compotes de JP qui semblent une consolation tout à fait bienvenue.

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Salle à manger

Le ciel reste couvert mais la pluie a cessé. Les couleurs de la vallée nous offrent un spectacle qui vaut tous les feux d’artifices. mais un brouillard épais galope vers nous et entraîne d’un coup la nuit avec lui. La pluie revient, plus forte, gonflant les deux ruisseaux entre lesquels nous sommes installés. Nous sommes heureusement en hauteur mais le bruit de l’eau, tout à l’heure si charmant, nous rend désormais inquiets. Nous nous glissons dans nos sacs de couchage pour dormir un peu. Nous savons que la nuit va être un peu compliquée.

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Bivouac installé

Douce nuit

Je m’endors rapidement mais vers 4 heures nous sommes réveillés tous les trois. JP et moi sortons prendre l’air. Les étoiles brillent au dessus de nous. JP explique avoir vu deux yeux briller un peu plus loin dans le noir. Nous plaisantons sur le fait de partir immédiatement pour le Col de la Valloire. La nuit autour est dense. Nous remettons l’ascension à demain, ou plutôt à dans quelques heures, et retournons dans nos duvets.

J’émerge vers 7 heures persuadé de sentir l’odeur du café. L’absence de réchaud revient à ma mémoire. Viennent également quelques questions existentielles comme le sens de ma présence ici mais je me tourne vers le Col au dessus de nous et ma motivation revient. Un peu… Le café soluble froid achève de me sortir du sommeil et avec une bonne dose d’imagination nous arrivons à nous réchauffer les doigts autour des gobelets en alu pourtant glacés. Une tranche de compote, une gorgée de jambon et nous partons, laissant une partie de notre charge à l’abri sous les tentes. Le ciel est gris.

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Passage au Lac Noir

The eye in the sky

Notre première étape au Lac Noir est expédiée. Lui non plus n’usurpe pas son nom. Les nuages aidant, ses eaux paraissent sombres et sans doutes profondes. Quelques minutes plus tard, un troupeau de bouquetins assure le spectacle en échangeant quelques coups de corne. Ils restent néanmoins prudents et s’éloignent rapidement. En essayant de repérer un passage à travers les nombreux blocs « mangeurs de Vibram », nous reprenons notre progression vers le Lac Glacé. Le bon sens des appellations locales n’étant plus à démontrer, nous ne sommes pas surpris de le découvrir pratiquement recouvert par la neige. Des nuances de bleu et de rose entourent un iris couleur de nuit. Sous cette couche de maquillage, l’eau est limpide.

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Le Lac Glacé nous observe

Nous nous posons quelques instants pour réfléchir à la suite. L’un de nous a une contrainte horaire pour le retour. En continuant, nous progresserons dans la neige et nous risquons de ne pas pouvoir la respecter si nous ne sommes pas au col dans une heure. Nous décidons d’aller et de faire demi tour au bout d’une heure, même si nous ne sommes pas au sommet.

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Un petit bain ?

Ain’t no mountain high enough

La neige est dure mais la pente est réelle. Nous faisons parfois des traversées, parfois nous montons face à la pente, sur la pointe des chaussures ou sur la tranche. Sans les bâtons nous ne monterions pas. J’apprendrai à mes dépends que la descente est beaucoup plus délicate. En 45 minutes nous sommes au col. Bien que le temps soit couvert, le spectacle est magistral. L’environnement est minéral, sec et sombre, lunaire.

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Col de la Valloire

Le temps de faire quelques photos et nous repartons.

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Le Lac Glacé vu du Col de la Valloire

Ça plane pour moi

J’entame prudemment la descente sur le névé. Je vois Christophe et JP qui dévalent la pente. Je ne suis pas à l’aise. Je plante les talons, je plante mes bâtons, j’essaye de ne pas regarder trop loin vers le bas.

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Tellement facile vu d’en haut !

Malgré ma concentration, une de mes chaussures manque son accroche et je glisse. Je me retrouve sur mon sac, incapable de planter mes bâtons. Je n’ai pas mis mes gants, mes mains glissent sur la neige et je sens sa brûlure au bout de mes doigts. Mes compagnons de sortie me regardent sans pouvoir intervenir. Je suis très au dessus d’eux. Je continue comme ça pendant des secondes qui paraissent interminables. Un de mes bâtons m’échappe. Peut-être est-ce « le truc » en trop. Ah non, je ne veux pas monter à nouveau ce névé pour le récupérer. À moitié couché sur le côté, je me stoppe d’un coup de jambe énervé. J’ai mal à tous les doigts de la main gauche et je saigne un peu à la main droite mais je suis arrêté ! Quelques mètres et je récupère mon bâton. Mes jambes tremblent un peu. Je fais signe à mes camarades que tout va bien. Nous repartons. Le reste de la descente est beaucoup plus calme. J’ai les mains en feu mais j’ai une pêche d’enfer. Nous rejoignons les tentes en sautant de bloc en bloc.

Let the sun shine

Le soleil se décide à briller un peu alors que nous démontons les tentes. Nous en profitons pour admirer le paysage et compléter nos photos. La différence avec le ciel plombé du matin est saisissante. Une fois le matériel plié il est temps de redescendre. Il fait beaucoup plus chaud que tout à l’heure et nous abandonnons Gore-Tex et vestes en mérinos au profit de t-shirt plus légers. JP s’est emparé de ma tente dès le départ.

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Descente sous le soleil

La fin de la descente dans le sous bois paraît interminable. À chaque virage nous pensons être arrivés mais ma montre décompte le dénivelé de manière incroyablement lente, même si la pente est conséquente. L’effet de la fatigue sans doute.

Conclusion

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Photo de Christophe

La balade jusqu’aux trois lacs est superbe et accessible à n’importe qui aimant marcher. Le cadre est sauvage et il est possible d’y croiser des bouquetins ou des chamois. Ils ne se laisseront néanmoins pas trop approcher. Reste le décor qui est grandiose. La montée au Col de la Valloire est à réserver à ceux qui aiment chercher leur chemin dans le minéral. Après le Lac Noir, le passage traverse une importante zone d’éboulis composée de gros blocs. De temps en temps, un cairn donne une indication mais rien de bien plus marqué. Le final est très raide et à la mi juillet il restait beaucoup de neige.

Une paire de crampon peut être utile à la montée comme à la descente. La glissade est impressionnante…

À partir du Lac Noir, le tracé ci-dessous est une indication. La progression se fait dans des éboulis de gros blocs où il convient d’avancer prudemment car ils sont posés en équilibre parfois instable.

 

 

Col de La Valloire

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