Ce n’est pas un mystère, je suis de Grenoble. Le décor de la ville est constitué de trois massifs mythiques : Vercors, Chartreuse, Belledonne. Je ne pouvais donc pas passer quelques jours dans ma ville natale sans aller faire un petit tour sur les hauteurs.
Comme nous étions l’année du cinquantenaire des Jeux Olympiques de Grenoble, il me fallait un point de départ en lien avec l’événement. En fait, il me fallait surtout un critère de choix parce qu’il y a pléthore d’itinéraires disponibles autour de la « Capitale des Alpes ».
Mon départ se fera donc de la piste de Casserousse, emplacement de la descente homme gagnée par Jean-Claude Killy, l’objectif final étant le Grand Eulier. Je sais que l’endroit est superbe car il surplombe les Lacs Robert et qu’en plus il n’est pas indiqué sur les cartes, ce qui est un gage de tranquillité.

Quand tu cherches Killy et que tu trouves Bilbo
Le 18 juin, dès potron-minet, me voilà donc au pied de la piste. Question ambiance, on est plus proche des anneaux de Tolkien que de ceux de Courbertin… Le brouillard est épais. Qu’à cela ne tienne, en bon geek j’ai la carte dans mon GPS et il saura me guider si le sentier m’échappe.
Je crapahute donc dans une ignorance totale du paysage. Les rares clairières ne laissent rien deviner tant le plafond est lourd. Même une fois sorti de la forêt, je ne distingue rien des montagnes environnantes et ça me donne l’impression de n’être jamais loin du sommet !
La sensation de marcher « en dehors du monde » est accentuée par le fait que je suis « derrière » la Croix de Chamrousse. Comprendre que je suis au Nord-Est de ce dôme, c’est-à-dire une zone inexistante pour un grenoblois qui penserait que Belledonne s’arrête à ce qu’il voit depuis la ville !

J’abandonne le sentier herbeux pour l’ascension des blocs de Casserousse. D’abord laborieuse étant donné la taille des rochers et mon incapacité à suivre le balisage, ma progression est soudain facilitée par la présence d’un névé. Ici aussi l’hiver a été généreux.

C’est presque par surprise que j’arrive à la brèche Nord. Je sais que je dois bifurquer sur la gauche car c’est là que se trouve le Grand Eulier et qu’il existe un balisage, peut-être même un traçage dans les cailloux. Etant donné le brouillard, j’essaye plutôt de coller avec la trace GPS. De temps en temps, je croise effectivement une sente mais rien de vraiment fiable. Dans ma tête, je suis sur un gros tas de cailloux et je dois arriver au sommet. Tant que je monte, je suis bon !
La vérité était ailleurs
J’avais oublié deux choses. La première, c’est que le final se déroule dans un petit couloir. La deuxième, c’est que le Grand Eulier culmine à 2232 mètres et que c’est environ 200 mètres de moins que tous les sommets qui le contournent par le Sud-Est. Dans mon brouillard, j’étais sur une bosse et je dominais les alentours…
Le soleil se charge de me rappeler la réalité. D’abord timide, il ne dévoile que l’arrête de rochers située à ma gauche. Une arrête sauvage, aride et sombre comme le dos d’un énorme animal qui aurait été couché là (trop de Game of Thrones sans doute…). Je suis dans ce brouillard depuis au moins deux heures, j’ai la sensation qu’il est immobile et que c’est le rocher qui se déplace pour émerger.
Puis, lentement, le reste du décor avance vers moi. Je me retrouve tout petit au milieu de ces géants qui ont attendu le moment propice pour faire leur petit effet.

Voici la trop courte vidéo de ce moment unique où je suis juste à la surface du brouillard. L’émerveillement est présent à chaque fois que je la regarde.

J’arrive au sommet sur un petit nuage (ah ah ah) ! Ma journée est faite par ce changement de temps. J’étais au bon endroit, au bon moment.
Un petit plateau herbeux coiffe le Grand Eulier et un petit cairn marque le point le plus haut. C’est étonnant après une montée aussi minérale. L’endroit est très calme et très reposant. Parfait après cette montée !
Tel est ce sommet : un grand méconnu qui cache bien son jeu et la vue sur les Lacs Robert, si changeante ce jour-là, complète la récompense.

J’ai prévu un retour par la brèche Sud. Cela ne vaut que pour le passage entre les lacs. En effet, les blocs rocheux sont bien différents et bien plus gros que ceux qui conduisent à la brèche Nord. Il est facile de perdre la trace. La progression perd son charme et le plaisir en est diminué. De plus, je coupe pour rejoindre mon itinéraire de montée et je me retrouve sur une piste de ski particulièrement raide (bah oui c’est une descente…). L’herbe est bien mouillée et bien haute. Pas vraiment agréable.

Conclusion
Voici donc un itinéraire que je conseille. Il n’y a pas de piège. Il ne faut pas hésiter à rester dans le sous-bois lors du départ. Le sentier est bien marqué. On tombe sur les vestiges du panneau d’affichage des JO lorsqu’on est au bon endroit. C’est beaucoup plus sympathique que d’attaquer la piste pleine pente. Même sans le petit effet du brouillard, la vue sur la chaîne de Belledonne est fabuleuse. Aucun passage exposé. J’avais prévu le circuit ci-dessous mais j’ai coupé pour rejoindre la piste de Casserousse à l’endroit d’où partait l’ancien téléski des Marmottes. Ce n’est pas une très bonne idée et je suggère, sans l’avoir essayé, de rejoindre l’itinéraire de montée en passant par le sentier qui bifurque au point 2014, sauf si bien sûr tu veux à tout prix faire la Crête des Ramettes.
