Mon petit bonhomme de chemin

26 juillet. Ou plutôt 25 juillet au soir. Dans cette magnifique chambre du refuge de Tré la Tête, je me suis endormi immédiatement. Mais dix minutes après me voilà réveillé. Mon cœur bat très vite. La Mondeuse devrait pourtant faire son effet mais mon cerveau semble vouloir suivre mon rythme cardiaque. Une heure passe. L’altitude lutte avec le sommeil et elle semble gagner. Une deuxième heure à compter les petites fleurs. Je m’endors, ou du moins je somnole. Je cherche la meilleure position pour passer le temps. Dans le lit d’à côté JP semble subir le même sort. Une troisième heure se perd entre deux eaux. Je regarde ma montre. Il est 4 heures. Nous nous levons tôt, il faut vraiment que j’arrive à fermer l’œil. Je sombre enfin, profondément, une heure avant le réveil.

Visite à un géant

J’entends JP qui a commencé à se préparer et cela me pousse à sortir de ma torpeur. La journée qui m’attend me semble irréelle. Comment remettre ce sac ? Comment tenir debout et marcher ? Une odeur de café monte jusqu’à moi. Ok, commençons par là. Je sors de mon sac à viande et je mets en route mon radar. Je descends et j’aperçois le soleil, les montagnes. La lumière revient dans ma tête.

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Lumière du matin à Tré la Tête

Le petit déjeuner est à l’image du dîner, copieux. Nous rechargeons nos réserves pour ces grands cols qui nous attendent. La bonne humeur est là. Nous décidons d’aller rendre visite à ce qu’il reste du glacier de Tré la Tête avant de partir. Nous voilà donc en équilibre sur le sentier qui rejoint l’ombre de ce géant qui s’est retiré bien loin et bien haut. Les traces de son passage sur les rochers environnants sont immanquables. Il y avait ici des dizaines de mètres de glace qui ont lissé le calcaire. Plus rien ne subsiste et le glacier tente de ne pas disparaître.

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Cache-cache avec le glacier

Mes camarades souhaitent aller toucher la glace. Je redescends vers le refuge pour essayer de réparer mon bâton. Un seul, c’est un peu compliqué. La gardienne du refuge me passe un rouleau de fil de fer et une pince. Je la remercie encore ! J’arrive à serrer le blocage. Mon bâton ne se pliera plus mais au moins je peux m’en servir.

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Retour au refuge

Balade champêtre

La TMB team est prête pour le départ, nous descendons vers le refuge de la Balme. Il y a beaucoup de monde. Le temps est idéal. Un petit vent léger vient nous rafraîchir lorsque le soleil est trop fort. Le fond de la vallée est magnifique. L’ambiance y est champêtre et même si ce n’est pas mon terrain préféré, j’en prends plein les yeux. Nous faisons le niveau des gourdes dans une source avant d’entrer dans la partie sérieuse du parcours.

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Pont de La Rollaz

Le Col du Bonhomme est devant nous, à plus de 2300 mètres d’altitude. 800 D+ nous attendent. L’ascension commence. Il fait chaud et il y a vraiment du monde. Je marche sans réfléchir. Certains passages sont très raides. En cette deuxième journée il subsiste toujours LA question : suis-je capable de finir ? Ce n’est pas le moment d’entrer trop profondément dans l’analyse… J’arrive aux Chalets de Jovets.

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Le refuge de La Balme

Mes camarades discutent de l’opportunité d’aller jusqu’aux Lacs Jovet. Ils ne sont pas vraiment sur notre chemin et cela fait tout de même un gros détour. Nous n’irons pas mais nous profitons de cet arrêt pour faire notre pause déjeuner. Nous cherchons un coin un peu à l’écart du sentier car il y a foule. Trouver un endroit pour nous poser n’est pas évident car nous marchons dans une zone très humide parcourue par de nombreux petits cours d’eau.

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La vallée des Contamines depuis les Chalets de Jovet

Une bosse herbeuse nous donne finalement asile et nous tombons les chaussures pour profiter du soleil. Sitôt le casse-croûte avalé nous allons même jusqu’à tremper les pieds dans ces ruisseaux. La sensation est agréable les dix premières secondes puis le froid mord la peau jusqu’à la douleur ! Mais on est tellement bien dans cette nature que même la ligne à haute tension qui monte le vallon fini par disparaître.

Nos chemins se séparent

Le temps passe doucement et nous pousse à repartir. Pour éviter la foule, mes camarades décident de passer par une épaule d’herbe à droite du sentier. Je continue sur le sentier normal, je suis prudent et le col paraît encore loin. Me voilà seul avec mes chaussures et mon sac sur cette poussière chaude qui défile. Je ne regarde pas trop vers le haut. J’essaye plutôt de voir si mes trois compères arrivent à trouver un passage dans la pente qu’ils ont choisi mais je les perds de vue rapidement. La montée continue. Je traverse un ruisseau qui débouche d’une falaise grise taillée dans les ardoises. Je monte quelques centaines de mètres et cherche mes camarades. Ils sont coincés au bord de cette falaise et vont être obligés de la contourner par l’Ouest pour passer. J’en profite pour prendre lâchement de l’avance et arriver le premier au Col du Bonhomme. Il y a du monde. Je pars sur un sentier me permettant de surplomber la vallée que je viens de parcourir. Pas de traces des trois autres. J’attends un moment puis je retourne au col. Au moment où je rejoins la table d’orientation je les vois qui débouchent au dessus de la foule. Ils sont content, leur chemin était beau !

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Nous grignotons quelques noisettes et partons rapidement vers le Col de la Croix du Bonhomme qui nous conduira au refuge. L’itinéraire devient minéral et il nous faut suivre les marquages de peinture. C’est mon terrain favori. Je compense mon manque de rapidité sur les tracés qui comportent une part de recherche. La vue sur le Beaufortain est fabuleuse en cette fin de journée mais l’arrivée proche se fait sentir et le rythme est élevé ! Les chamois n’ont qu’à bien se tenir !

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Le Beaufortain

Séquence émotion

La traversée vers le Col de La Croix du Bonhomme s’achève et nous débouchons sur la crête. Le refuge se profile plus bas. Nous notons l’embranchement vers le Col des Fours par lequel nous passerons demain. Quelques mètres de descente et nous arrivons. Même si j’avais déjà vu des photos, le choc est rude. Mes souvenirs du Bonhomme ont presque quarante ans. J’avais onze ans la dernière fois que je suis monté. ici Dans ma tête le refuge était une haute bâtisse de pierres dominant la vallée. À la nuit tombée on parlait aux bougies. Aujourd’hui cette construction disparaît à demi dans un chalet en bois qui lui donne une allure moderne complètement différente. Une forêt de chaussures et de bâtons veille dans un sas qui conduit à une immense salle où brille des ampoules électriques. Le téléphone sonne souvent et une grappe de smartphones pendent à une prise. Je rattrape quarante années d’évolution en quelques minutes et ce qui est normal pour les autres randonneurs me paraît surnaturel.

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JC arrive en tête au Bonhomme !

Entre fatigue et nostalgie j’installe mon sac à viande sur le matelas entre Christophe et JC qui subiront mes ronflements cette nuit. Si je dors.

Nous redescendons boire une bière en attendant l’horaire pour la douche. L’eau reste toujours un problème. Au moins une chose qui n’a pas changé !!

Un très gros orage éclate pendant que nous discutons autour de la carte. Certains marcheurs malchanceux arrivent sous des trombes d’eau et de grêle. Le paysage disparaît sous une brume opaque. Heureusement cela ne dure pas et nous nous retrouvons sur la terrasse pour baigner dans le parfum de la terre mouillée.

La douche est la récompense de vingt minutes d’attente dans le couloir. Forcément, trois douches hommes et trois douches femmes pour cent treize personnes. Mince, après Tré la Tête je deviens exigeant ! Heureusement le dîner va être copieux et copieusement arrosé d’un rouge bio qui ne vient pas de Savoie. Juste après le dessert le soleil émergera des nuages et nous offrira un spectacle incroyable sur les reliefs où de la grêle reste accrochée.

En compagnie de mes trois acolytes, je sors quelques instants faire une poignée de photos. La lumière est magnifique. C’est une belle fin de journée.

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Lumière du soir

L’heure d’aller se coucher arrive. Je glisse des boules Quies dans mes oreilles. Mes camarades prétendent que c’est pour me protéger de mon propre bruit mais je n’en crois rien…

Je ferme les yeux et je commence mon attente.

Une réflexion sur “Mon petit bonhomme de chemin

  1. gerber

    Tout me revient comme si c’était l’instant même . Les odeurs, les couleurs, le bruit de l’orage résonnant si fort dans ce monde minéral. et même la neige de l’avalanche de l’hiver pas encore fondue qui nous offrait un réfrigérateur hors norme ! Et tous ces marcheuses et marcheurs, si heureux d’arriver au refuge pour la soirée et la nuit. Et même une fois, pour un réveillon improvisé car la neige s’est mise à tomber un 31 juillet obligeant tout le monde à rester une journée de plus et nous avions fait comme si c’était le passage de la nouvelle année en dansant et fêtant dans la joie ce moment si particulier;
    Merci la vie, merci à toi d’écrire

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